Etude : Le voyage accélérateur d'apprentissage
Grande voyageuse, Carole Breukel a travaillé à l'Université de Genève sur l'exploration des apports suscités par et dans les voyages. Partant du présupposé central que le voyage peut constituer un processus de formation, elle considère qu'il devrait être possible d'observer les effets de cette formation et d'identifier les acquis qui résulteraient d'un lien effectif entre voyage et formation.
Son questionnement tourne autour de trois thèmes suivants : quels liens est-il possible de tisser entre voyage et formation ? Quelle est l'intelligibilité possible du processus de formation par le voyage ? Quel est l'impact des voyages sur la trajectoire de vie des voyageurs et sur leur insertion ?
Elle s'appuie sur l'analyse qualitative de témoignages, recueillis sous forme de textes libres et d'entretiens auprès de deux voyageurs, homme et femme de la tranche d'âge 25-35 ans, partis chacun un an au minimum, dont 6 mois seul(e). Sur le thème qui nous intéresse, les apports du voyage sont nombreux. Ils peuvent être groupés en quatre grandes catégories : connaissances (telles que géographie, culture, langues), compétences techniques (de la gestion de budget à des conduites de survie), compétences non techniques (du développement personnel aux compétences sociales) et enfin des attitudes et des prises de conscience (de la résistance physique et émotionnelle à la décentration due au déplacement à la fois physique et mental).
Les savoirs du voyage sont des savoirs largement habités par la personnalité du voyageur et par sa vie. Ce sont des savoirs agis et concrets, en lien avec le monde réel.
Plus fondamentalement pour Carole Breukel, le voyage joue un rôle essentiel, stabilisateur et enrichissant; vivre la découverte de l'autre, de l'ailleurs sont autant de détours qui obligent au retour sur soi, c'est-à-dire à une meilleure connaissance de soi-même.
En conclusion, le voyage s'inscrit bien dans le cas d'une formation expérientielle participant à l'éducation de l'adulte : d'une part parce qu'il est une épreuve et une tentative, d'autre part parce que ses effets formateurs ne sont pas automatiques, qu'au contraire ils supposent une implication directe de l'individu qui doit surmonter et formaliser le sentiment de rupture initial dû à cette expérience pour que celle-ci devienne formatrice.
Ce texte est extrait de l'article "Apprentissages et acquis buissonnier" de Bernard Liétard paru en 2001 dans la revue "question de recherche en éducation".