Pourquoi partir en vacances ? Une brève analyse des bienfaits de la déconnexion

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François Lenglet, Université Savoie Mont Blanc et Isabelle Frochot, Université de Bourgogne

L’été est là et les Français les plus chanceux partent en vacances. Mais au fond, sait-on vraiment pourquoi ce rite migratoire se répète année après année ? De prime abord, la réponse à une telle question paraît évidente : il s’agit de changer d’environnement, d’activité et de rythme, se ressourcer pour revenir « en forme » et affronter plus efficacement le quotidien. Pourtant, le tourisme fut inventé par la jeunesse aristocratique anglaise du XVIIᵉ siècle, une petite élite oisive pour qui le besoin de déconnexion n’était guère indispensable.

Le but premier était culturel : découvrir l’Italie et ses trésors artistiques et culturels. Ce « Grand Tour » – que Stendhal francisa en « tourisme » – devait transformer cette heureuse minorité en gentlemen accomplis.

Puis les motivations touristiques s’élargissent au XIXe siècle, de même que le public concerné : c’est pour des raisons hygiénistes que la bourgeoisie parisienne s’échappe de la capitale pour rejoindre les villégiatures normandes. L’écrivain Marcel Proust passe ainsi ses vacances à Combray puis Balbec, à l’époque où naissent des stations balnéaires comme Deauville, notamment sous l’impulsion de médecins français.

Il faut attendre le siècle dernier et l’avènement des congés payés pour voir le besoin de déconnexion émerger. Les ouvriers des grandes villes, dès 1936, s’échappent à la campagne, à la mer ou à la montagne pour oublier quelque temps les difficultés du quotidien dans leurs logements sans confort, et profiter à leur tour d’un été oisif à l’image des personnages du film de Jacques Tati, Les vacances de Monsieur Hulot (1953).

Bande-annonce de Les vacances de Monsieur Hulot (1953) de Jacques Tati.

Aujourd’hui, ce besoin d’évasion, de déconnexion, de lâcher prise, est considéré comme la principale motivation touristique. Encore faut-il que cette déconnexion advienne pleinement et permette une immersion réussie dans la destination choisie. Nous avons mené une étude récente sur des vacanciers qui analyse les différents aspects de l’état de déconnexion et ses principales conséquences : la mémorisation positive des souvenirs de vacances et le bien-être ressenti.

À toutes fins utiles, il est important de préciser que la notion de déconnexion dans cet article ne fait pas référence uniquement à la déconnexion numérique, mais plus globalement à la déconnexion avec tout l’univers du quotidien (travail, engagements sociaux et familiaux, etc.), que l’on peut ressentir lors de périodes de vacances.

Les trois dimensions de la déconnexion

Notre étude a identifié que le concept de déconnexion se subdivise en trois grandes dimensions.

La première fait référence au besoin qu’évoquent les touristes de quitter leur univers quotidien, ses problèmes et ses routines.

Vient ensuite le besoin d’échapper à ce que l’on est et représente, en tant qu’individu, dans cette vie « normale » pour tenter une expérience qui donne l’impression d’être quelqu’un d’autre et de faire preuve d’humilité par rapport au monde qui nous entoure. Par exemple, confronté à l’immensité des univers sauvages, le touriste peut éprouver un sentiment d’humilité à même de lui faire relativiser sa place dans l’univers, et s'engager dans un questionnement existentiel et identitaire.

Enfin, pour vivre la déconnexion il faut échapper aux pressions du temps. Cela peut se traduire par la volonté de prendre le temps pour, par exemple, contempler son environnement ou redécouvrir les plaisirs de l’oisiveté, de ne plus se sentir stressé par le temps et de se relaxer.

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De la déconnexion au bien-être

Depuis des décennies, la recherche en tourisme suggère un effet positif des vacances sur le bien-être individuel, la santé ou la réduction du stress. Il apparaît en particulier que deux des trois dimensions de l’état de déconnexion – la déconnexion du quotidien et de la pression temporelle – sont positivement associées au bien-être, au travers de deux mécanismes complémentaires : tout d’abord, en se déconnectant de la pression temporelle, il est possible d’améliorer directement son bien-être tant physique que mental (notamment se sentir plus heureux et plus reposé).

En second lieu, un effet indirect de la déconnexion a pu être mis en évidence. Quand l’individu parvient à se déconnecter du quotidien et de la pression temporelle, il va pouvoir se fabriquer des souvenirs positifs de ses vacances, lesquels vont ensuite contribuer à améliorer son bien-être ressenti. Ces deux effets de la déconnexion, direct et indirect, paraissent équivalents, et expliquerait les trois-quarts du bien-être ressenti à l’issue des vacances.

Affiche publicitaire du Grand hôtel–Casino de Cabourg (Normandie), 1892
Affiche publicitaire du Grand hôtel-Casino de Cabourg (Normandie), 1892. Wikimedia, CC BY-SA

Trois jours pour décrocher

Des études ont néanmoins identifié que sur des périodes de vacances de plus d’une semaine, il faut en moyenne trois jours pour que les touristes arrivent à se déconnecter de leur quotidien. Ce laps de temps s’explique en partie par les aspects organisationnels liés à la « prise en mains » d’un nouveau lieu de vacances. Mais un vacancier peut aussi atteindre plus rapidement un état de déconnexion optimal en optant pour certaines formules ou modes de voyage.

Ainsi, des conditions favorables à la déconnexion peuvent être proposées par les gestionnaires de destinations touristiques, en évitant les tâches qui rappellent trop le quotidien grâce à certains services : conciergerie, all inclusive, etc.

Plus généralement, tout ce qui peut contribuer au dépaysement semble aider les vacanciers à se déconnecter. On pense par exemple aux logements atypiques comme les cabanes dans les arbres et autres tiny houses qui minimisent les gestes du quotidien. Les expériences en bivouac, en camping frugal et en vans apportent également une déconnexion indéniable car ils sont sans commune mesure avec l’univers quotidien.

L’importance de l’environnement

Les environnements de vacances jouent également un rôle dans la déconnexion. À titre d’exemple, les environnements naturels sont très propices à la déconnexion spontanée, et particulièrement la confrontation rugueuse aux espaces sauvages tels que la montagne ou l’Océan.

Enfin, le touriste peut aussi atteindre plus facilement la déconnexion en étant lui-même acteur de son séjour, en évitant les routines, en cherchant à s’adapter aux pratiques locales nouvelles pour lui (notamment alimentaires), aux rythmes différents des populations, en modérant ses pratiques de connexion numérique, et plus généralement en se tenant à distance de tout ce qui peut lui rappeler son quotidien.

Toute tentative de reconnexion à l’univers du travail, en prenant un appel ou en vérifiant ses e-mails, est évidemment très perturbatrice et peut faire sortir un vacancier de sa déconnexion (suivie d’un temps certain avant de pouvoir à nouveau s’immerger dans la déconnexion).

Ainsi, la déconnexion ne consiste pas tant à s’isoler, pour l’animal social que nous sommes, qu’à fuir provisoirement une trop grande proximité physique, psychique et relationnelle avec l’environnement quotidien, au profit de la création souvent éphémère de nouveaux liens avec la destination touristique. Au fond, le touriste est un Sisyphe qui déroule à longueur d’année sa vie quotidienne pour enfin s’élever, améliorer son bien-être et s’épanouir grâce à la déconnexion et aux vacances, avant de redescendre avec ses souvenirs positifs propres à adoucir une réalité existentielle dont il cherchera encore et toujours à s’échapper lors des prochains congés.The Conversation

François Lenglet, Maître de conférences en sciences de gestion / marketing, Université Savoie Mont Blanc et Isabelle Frochot, Maître de Conférences HDR - Comportement du Consommateur, Université de Bourgogne

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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