Regards sur les îles anglo-normandes
La géographie les rattache à la Normandie mais l'histoire les relie à la reine. Cette discrète présence anglaise en Normandie fut longtemps paisible. Du moins, jusqu'au Brexit...
Des pêcheurs français qui bloquent un port de Jersey; les navires de guerre britanniques qui patrouillent pour réaffirmer leur bon droit dans ces eaux; des menaces françaises de couper l'alimentation électrique des îles Anglo-Normandes. Pas de doute, le Brexit a électrisé la Manche et ce pacifique archipel devient un peu l'équivalent de Gibraltar pour l'Espagne: une pomme de discorde diplomatique. Les îles en soit ne soulèvent aucun différend. Ce sont ses eaux territoriales poissonneuses qui exacerbent les tensions entre les pêcheurs français et cet archipel de la Manche avec lequel la France voisinait jusque-là paisiblement.
Ces îles sont un vestige des origines normandes de la monarchie anglaise. Les bailliages de Jersey et Guernesey possèdent chacun leur gouvernement et reconnaissent la reine comme souveraine. Elizabeth II n'est pas seulement reine de quinze États et présidente du Commonwealth, elle porte également le titre de «duc» de Normandie. «C'est peu connu car elle n'en fait pas étalage pour des raisons diplomatiques évidentes», constate l'historien Christophe Maneuvrier, enseignant-chercheur à l'université de Caen.
Cet héritage remonte à Guillaume le Conquérant qui traversa la Manche en 1066 pour ajouter la couronne d'Angleterre à son titre de duc de Normandie. Normandie et Angleterre partagèrent un siècle et demi de destin commun. Jusqu'en 1204, lorsque le roi de France Philippe Auguste incorpora l'ancienne province viking à son domaine royal. Toute la Normandie fut occupée. Toute? Non! Un archipel au large du Cotentin demeura encore et toujours rattaché à son duc, c'est-à-dire au roi d'Angleterre.
Par la suite, la France tenta bien, à plusieurs reprises, de débarquer sur ces îles Anglo-Normandes. Las, les expéditions se fracassaient sur la protection naturelle que confère son insularité. Des récifs et des bas-fonds dans la Manche, une mer que Victor Hugo qualifiera d'«insoumise», où il faut se défier des «coups de théâtre de l'océan». «Si vous n'êtes pas un ancien pilote et un vieil habitué», gare à vous, «c'est fini, le navire se disloque et sombre», avertissait l'écrivain alors exilé sur ces îles, dans Les travailleurs de la mer.
Côté français, arracher ces îles normandes au roi d'Angleterre ne tourna guère à l'obsession. Aux XIVe et XVe siècle, il y eut bien quelques incursions françaises au cours de la guerre de Cent Ans, mais rien de très durable. Jersey et Guernesey ne possédaient aucune richesse susceptible d'attiser les convoitises. «Et l'enjeu stratégique des îles était quasi nul puisque les grandes routes maritimes passaient plus au nord», analyse Christophe Maneuvrier. Même Napoléon, le grand ennemi de l'Angleterre, ne fut pas tenté de faire main basse sur elles.
«Il n'y avait pas d'intérêt à envoyer une grande armée pour envahir trois cailloux, d'autant que sa marine était mal en point après Trafalgar», ajoute l'historien. Les seuls à avoir récemment conquis l'archipel de la Manche furent les Allemands en 1940. Ils prévenaient ainsi un débarquement allié vers le Cotentin, mais leur objectif n'était pas que militaire.
Symboliquement aussi, ils envahissaient un archipel lié à une Angleterre résistant farouchement à Hitler. L'occupation fut d'ailleurs éprouvante et s'éternisa bien au-delà du Débarquement en Normandie puisque sa libération n'aboutit qu'après la capitulation allemande du 8 mai 1945.
Les îles Anglo-Normandes, ces morceaux de France "ramassés par l'Angleterre"
Temps de lecture: 4 min Des pêcheurs français qui bloquent un port de Jersey; les navires de guerre britanniques qui patrouillent pour réaffirmer leur bon droit dans ces eaux; des menaces franç...
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